Dans ce numéro d’automne, les auteurs de Mirabilia prennent fait et cause (et plume !) pour les oiseaux.
La plume  a-t-elle été pendant des siècles un instrument d’écriture en vertu d’une mystérieuse affinité entre l’inspiration poétique ou scientifique et ces créatures ailées que rien n’entrave ? Nous voulons le croire, et tant pis pour les esprits maussades qui ne suivraient pas Olivier Schefer et sa pensée nomade dans ce raccourci ! Des populations amérindiennes d’Amazonie n’ont eu, quant à elles, aucune réticence à placer des aras, des toucans, des cormorans et des perroquets au centre de leur cosmogonie et à faire de la plume la clé de leur identité d’homme, comme nous l’explique Daniel Schoepf. Hugo von Hofmannsthal aussi s’appuie sur une logique toute autre que rationnelle quand il voit, dans l’invisible trace de l’hirondelle dans l’espace, un miracle n’ayant d’égal que celui de la rencontre amoureuse. Rencontre, encore, lors d’une passée de bécasses qui comble la pensée et le cœur de Mattis dans l’extrait du magistral roman de Tarjei Vesaas.

On l’aura compris, les oiseaux sont ici les hôtes privilégiés de l’imaginaire et de l’émotion de l’être humain. Et le cas de l’alouette, étudiée par Gaston Bachelard, en apporte une magistrale confirmation. Mais l’imaginaire ne dédaigne pas ce que la science nous apprend de la réalité, il s’en empare : ainsi, la fable de Pablo Brito Altamira nous rappelle que dans le tableau de l’évolution, l’oiseau, cher à saint Jean de la Croix, est apparenté au dinosaure. Réalité aussi, et science de l’ornithologue avec le texte de John Marzluff sur la coévolution culturelle des corneilles et des hommes dans un environnement urbain. Réalité toujours, au plus près du quotidien des citadins que nous sommes, avec le texte d’Anne Guglielmetti qui évoque l’installation à Paris d’espèces d’oiseaux qui y étaient inconnues il y a cinquante ans. Réalité enfin, et que nous aimerions tout autre mais que nous nous devions d’aborder, avec la contribution de Fabienne Raphoz qui souligne que 20%  des espèces d’oiseaux aujourd’hui répertoriées sont menacées d’extinction et que liste ne cesse de s’allonger. Christian Moullec, « l’homme qui vole avec les oies sauvages », plaide à son tour pour leur protection et la réintroduction d’espèces migratrices décimées auxquelles il tente d’enseigner des routes plus sûres vers des zones d’hivernage protégées.
Voler comme un oiseau a été depuis l’aube des temps un des grands rêves de l’humanité. Mais l’oiseau, c’est aussi une présence à la fois familière et lointaine, dont la beauté, la diversité, la liberté expriment la joie de l’univers, mieux, « l’actualise, la projette », pour reprendre les mots de Bachelard. Et c’est les somptueuses et éclatantes couleurs des plumes, photographiées dans le portfolio de ce numéro, sans oublier, bien sûr, le chant du merle et de tant d’autres, par un petit matin d’été.