?Le numéro de Mirabilia consacré au « temps », qui paraît cet automne, a le bonheur de présenter deux figures de premier plan dans la littérature et la peinture de leur pays respectif : l’écrivain québécoise Gabrielle Roy, et le peintre américain Andrew Wyeth, l’une et l’autre inexplicablement méconnus en France.
Á la différence de la littérature ou de la musique, la peinture, dit-on, ne serait pas un art du temps. Cette affirmation est contredite par l’envoûtante peinture – l’adjectif n’est pas trop fort – d’Andrew Wyeth, comme le met en lumière l’étude d’Anne Guglielmetti. Gabrielle Roy, elle, dans le récit qu’elle nous donne d’une visite à sa sœur, rend palpable avec une extraordinaire sensibilité « impressionniste » les aspects mémoriels et fortuits d’une réalité aussi concrète dans ses effets que mystérieuse dans son essence. « Le temps passe », selon l’expression consacrée. Quand et pourquoi a-t-on commencé à en mesurer le passage ? C’est ce que nous explique l’historien David S. Landes. Le cahier central présente quelques-uns des beaux instruments inventés à cet effet.
Dimension collective, encore, dans l’article que Marine Degli consacre au temps de l’au-delà dans les sociétés océaniennes, lequel devient « intemporel dans une adhésion complète à l’univers », que nos sociétés ont assurément perdue. Et dimension, en revanche, tout à fait personnelle, intime, dans les réflexions que le temps rythmé par les battements du cœur inspire au médecin Pierre Démolis. Et tandis que cette « métrique [cardiaque] guide notre route », le temps est aussi le plus étrange et inéluctable « matériau » de la création de tout jardin, comme le souligne l’architecte paysagiste Bertrand Paulet. Mais comment ne pas introduire, à l’image de l’invention cocasse qu’est l’horloge parlante, un peu de fantaisie dans une notion dont l’emprise sur notre quotidien est devenue si envahissante, ce dont se charge la fiction homonyme écrite par Vincent Gille. La nostalgie, indissociable du temps auquel rien n’échappe, est au centre des « Souvenirs de la onzième case » de Bruno Montpied, illustrés par les photographies de José Guirao. Ce tour d’horizon forcément incomplet se referme sur un fragment des Essais de Montaigne, qui appelle à « déguster » le temps, et sur une page des agendas de Pierre Bonnard dans lesquels celui-ci notait « les courses du jour », « le temps qu’il fait », ou s’amusait, crayon à la main, d’un chat à sa toilette.

Mirabilia tient à remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce numéro ou ont permis qu’il voie le jour, en particulier Karen Baumgartner et les Héritiers Wyeth, l’écrivain Sylvie Gendron, Francis Ricard et le Fonds Gabrielle Roy, Claudine Roblez et le Domaine de La Roche Jagu, et Marie Thompson.