C’est un très ancien compagnon de l’humanité, si familier qu’il nous arrive, dans les rues de nos villes, de ne plus lever les yeux sur lui. Mirabilia, dans ce numéro, célèbre l’arbre, qui a été pendant des millénaires et pour tous les peuples de la terre, outre une ressource indispensable, « l’axe du monde » autour duquel s’ordonnait le cosmos, ainsi que l’écrit Mircea Eliade. Sa puissance, sa longévité, sa capacité de régénération ont fait de lui le messager des dieux, devant lequel les dieux eux-mêmes s’inclinaient, comme dans le mythe d’Apollon et Daphné, rapporté par Ovide. Que reste-t-il aujourd’hui de la révérence et de l’émerveillement qu’il inspirait ? Tous les textes, toutes les images réunis ici témoignent d’une révélation. C’est que l’arbre demeure arbre de vie - arbre d’amour, « ce qui revient au même » écrit Régis Boyer, et là où il manque, comme en Islande, hante l’âme humaine. C’est aussi que l’arbre parle d’immortalité, nous dit Jacques Lacarrière, enseigne la valeur de la diversité, nous rappelle un conte camerounais, et habite notre mémoire à l’égal des maisons aimées qui jalonnent une vie, nous dit Anne Guglielmetti. C’est encore qu’il fascine les scientifiques par ses fabuleuses capacités de communication que nous révèle le biologiste Yvan Krapiel et fascine tout autant les peintres, au premier rang desquels Vincent van Gogh, ou l’oeil du photographe et botaniste Cedric Pollet. C’est enfin que sa mystérieuse et formidable puissance fait encore frissonner un D. H. Lawrence assis comme « une punaise des bois » entre les racines d’un sapin. Les forêts, on le sait, reculent dramatiquement sur la surface du globe. Vincent Gille, lui, s’est plu à imaginer la silencieuse reconquête de Paris par les arbres. Mais le premier mot de cet hommage revient à Pierre Bergounioux. Dans la langue, nous dit-il, l’arbre a partie liée avec le livre, avec la liberté, avec l’enfance, avec l’ivresse. À l’écouter, l’arbre, cet « ailleurs et autrement» cher à Régis Boyer, pardonnera peut-être aux hommes leur voracité insensée.

Mirabilia tient à remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce numéro ou ont permis qu’il voie le jour, en particulier Pierre Bergounioux, Régis Boyer, Christophe Drenou, Danièle Robert et les éditions Actes Sud.