Le personnage reproduit en couverture est-il une des « Têtes souriantes », effigies de Xochipilli, mises au jour par les archéologues dans la région de Vera Cruz, au Mexique, au début des années 1950 ? C’est, en tout cas, sous l’égide de ce dieu de l’allégresse, des fleurs et des jeux que paraît le 8ème numéro de MIRABILIA, consacré, justement, à une activité aux formes multiples et aussi vieille que l’humanité : le jeu.
La recension de Jean-Felicissime Audry mentionne des jeux autrefois en vogue et aujourd’hui oubliés, dont notre langue conserve pourtant la trace et qui, pour certains, semblent être les ancêtres méconnus de nos jeux « modernes ».
Mais à tout seigneur, tout honneur, en l’occurrence l’enfance, dont le jeu, on le sait, est le royaume.  
Jeu sans jouet ni autre support qu’une imagination souveraine, dans l’extrait d’un texte de fiction de la grande romancière autrichienne Marlen Haushofer,  jeu qui est à la fois découverte du monde et peur apprivoisée, mis en scène par Anne Guglielmetti, ou invitation à aller au-delà des apparences, autour d’une partie de Petits Chevaux, dans la nouvelle de Vincent Gille. Et Baudelaire de s’interroger : lorsque jouet, il y a, la plupart des enfants ne veulent-ils pas AUSSI en « voir l’âme » ?
Plus tard, chez l’adulte, lorsque le hasard - autre nom du destin - est sollicité, le jeu devient quelquefois frénésie, comme chez les Indiens d’Amérique du Nord se lançant dans une partie d’Osselets avec une passion qui sidère René de Chateaubriand - mais il pourrait aussi bien s’agir de tous nos jeux de hasard contemporains.
Passion encore, à laquelle d’aucuns consacrent chaque jour de leur vie. Se réclamant d’une lignée de maîtres, le jeu devient alors un art, comme sous les doigts de la pianiste France Clidat interprétant Liszt ou Chopin, ou dans « le jeu » subtil et exigeant de la comédienne Dominique Valadié , ou dans les « Boîtes » mystérieuses de l’Américain Joseph Cornell, si proches du théâtre, du rêve et d’une réalité où le silence, toujours, chuchote des histoires.
On le voit, le jeu aimante bien d’autres notions que la simple « distraction ».  Le dernier texte proposé ici a été rédigé, il y a plus d’un demi siècle, par Herman Hesse, qui y oppose, à la distraction que procurent « les pages de variété », décrites avec une délectable férocité, le jeu dit des Perles de Verre, lequel conjugue contemplation, rigueur et méditation : ce caractère spirituel et émminement sérieux du jeu serait-il le dernier tour d’un Xochipilli au rire éclatant ?



Mirabilia tient à remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce numéro ou ont aidé à sa réalisation, en particulier Frédéric Gaussin, Nancy Ireson, Dominique Valadié et les éditions Actes Sud.